
Face aux menaces posées par la Russie, l’Iran, la Chine et le terrorisme, les services secrets ne peuvent lutter seuls et doivent travailler avec le secteur de la tech, a affirmé mardi le chef du renseignement extérieur britannique, le MI6.
Lors d’une rare allocution publique, à l’Institut international d’études stratégiques, un groupe de réflexion basé à Londres, Richard Moore a évoqué les défis de l’espionnage transformé par les avancées technologiques.
Il a notamment souligné que « s’adapter à un monde affecté par la montée en puissance de la Chine est la plus grande priorité du MI6 ».« Les agents du renseignement chinois cherchent à exploiter la nature ouverte de notre société, notamment en utilisant les plateformes de médias sociaux pour faciliter leurs opérations » a-t-il déclaré.
Dans une interview à la BBC quelques heures plus tôt, M. Moore avait expliqué que les capacités d’intelligence artificielle de la Chine lui permettent de « récolter des données du monde entier ».
Le pays « essaie également d’user de son influence par le biais de ses politiques économiques pour essayer et, parfois, réussir à prendre des gens dans ses filets », avait-il décrit, évoquant des « pièges de la dette ».
Après les accusations américaines d’espionnage visant l’équipementier de télécommunications Huawei, le gouvernement britannique avait décidé en juillet 2020 d’exclure le géant chinois de son réseau mobile 5G, invoquant un risque pour la sécurité du pays. D’autres points de friction persistent entre Pékin et Londres, au sujet de la minorité ouïghoure ou encore de l’alliance des Britanniques avec les Américains et l’Australie, surnommée AUKUS.
Autre Etat pointé du doigt, la Russie, qualifiée par Richard Moore de « menace grave ». Concernant la présence militaire russe à la frontière avec l’Ukraine, le patron du MI6 a réaffirmé le soutien britannique « à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».
Le troisième pays qu’il a cité est l’Iran, disant espérer une solution diplomatique sur le sujet du nucléaire, source de tensions. Ces trois pays constituent avec le terrorisme international les quatre priorités des services de renseignement britanniques qui tentent de s’adapter à un environnement en pleine mutation.
Intelligence artificielle
« Nos adversaires mettent de l’argent et de l’ambition dans l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et la biologie de synthèse, car ils savent que la maîtrise de ces technologies leur donnera un avantage », a expliqué Richard Moore, qui a pris en octobre 2020 le poste de chef du MI6, où il est connu sous le nom de « C ».
« Ce qui est nouveau, c’est que nous poursuivons maintenant des partenariats avec la communauté technologique pour aider à développer des technologies d’envergure internationale pour résoudre nos plus grands problèmes de missions, et ceux du MI5 et du GCHQ », autres services de renseignement britanniques.
« Contrairement à Q dans les films Bond, nous ne pouvons (plus) tout faire en interne », a déclaré M. Moore, en référence au personnage de la saga 007, as en matière de nouvelles technologies.
Cette nouvelle collaboration représente, selon lui, un « changement radical dans la culture, l’éthique et la façon de travailler du MI6 » qui s’est auparavant appuyé sur ses « propres capacités pour développer les technologies » de premier plan. M. Moore a expliqué qu’il s’agit d’être plus efficace face aux menaces criminelles, terroristes ou venues d’Etats hostiles qui « augmentent de façon exponentielle ».
Il a averti que « selon certaines évaluations, nous pourrions connaître plus de progrès technologiques les 10 prochaines années qu’au cours du siècle dernier, avec un impact en termes de perturbations égal à celui de la révolution industrielle ».