
Le concept n’est pas nouveau : il a déjà inspiré de nombreux livres, films, séries et jeux vidéos. Or de la fiction à la réalité, il n’y a qu’un pas. Un « métavers » ou « monde virtuel » est très sérieusement en train de voir le jour, notamment au sein des locaux du géant de la tech Facebook, qui communique généreusement sur le sujet depuis quelques semaines. L’entreprise a d’ailleurs annoncé ce lundi vouloir recruter pas moins de 10 000 personnes en Europe d’ici à cinq ans pour travailler sur son métavers.
Dans la même lancée, l’entreprise vient de révéler qu’elle envisage de changer de nom (la société-mère, pas le réseau social) afin de mieux refléter ses ambitions et de clarifier son offre vis-à-vis de son futur univers virtuel. Le nouveau nom pourrait être annoncé ce 28 octobre lors d’une conférence annuelle.
D’autres entreprises comme Alibaba ou Tencent, investissent des millions de dollars dans le développement de leur « monde parallèle ». Non sans surprise, elles ambitionnent d’en faire un véritable business. Cet espoir est basé d’une part sur le développement des nouvelles technologies immersives (écrans, hologrammes, casques de réalité virtuelle, lunettes de réalité augmentée…) qui permettent de se sentir physiquement ailleurs. D’autre part, le taux d’équipement informatique et d’accès à Internet haut débit n’a jamais été aussi important : près de 90 % de la population en Europe et aux États-Unis seraient équipés.
Comme dans « Les Sims »
Rappelons ce qu’est un métavers. Le concept de « méta-univers » a été inventé en 1992 par Neal Stephenson, dans le roman de science-fiction Snow Crash, qui prend place dans un environnement futuriste « cyberpunk ». Le métavers est en fait un monde 100 % numérique, qui imite le monde réel derrière un écran. Un peu comme dans le célèbre jeu vidéo « Les Sims », il serait possible pour chaque individu d’évoluer dans ce monde virtuel sous la forme d’un avatar interactif, pour faire… à peu près tout ce qu’il est possible de faire dans la vraie vie. Participer à une réunion de travail avec ses collègues dans un bureau reproduit à l’identique, danser en boîte de nuit avec des amis qui habitent dans un autre pays, gravir l’Everest… Pourquoi pas ?! Et tout cela en « transmettant ses émotions ».
Pour Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, le métavers est « le successeur de l’internet mobile ». L’entrepreneur déplore en effet les limites du smartphone comme moyen d’accès aux espaces numériques, à l’inverse des nouveaux outils dotés de réalités virtuelle et augmentée. Évoluer dans le métavers et pouvoir y « vivre » comme dans le monde réel signifierait inévitablement ne plus sortir de chez soi. Mais paradoxalement, pour Mark Zuckerberg, un monde numérique serait en fait « le Graal des interactions sociales ».
A noter que des entreprises du jeu vidéo comme Roblox ou Fortnite sont aussi dans la course. Le second a par exemple déjà organisé, en plein confinement, cinq concerts virtuels du rappeur américain Travis Scott, apparu sous forme d’avatar. Près de 12 millions de joueurs ont assisté au spectacle ! Fortnite a aussi lancé un festival de cinéma baptisé « Party Royale », une fête virtuelle géante animée par des DJs connus. « Ce n’est pas parce que cela s’est passé à Roblox (ou Fortnite) que c’est moins réel », a souligné la consultante en technologie Cathy Hackl.
Une phrase qui nous approche de la philosophie : qu’est-ce qui est réel, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Mais qui n’enlève pas l’idée que visiter New York à travers un casque de réalité virtuelle ne pourrait que manquer de saveur par rapport à la véritable balade…
De l’argent, forcément
Pour atteindre son nouvel objectif, Facebook a déjà beaucoup investi dans la technologie, comme dans ses appareils d’appel vidéo Portal, les casques Oculus et la plateforme de réalité virtuelle Horizon. Toutefois, Mark Zuckerberg reconnaît lui-même que ses casques sont « un peu maladroits », tandis que géant de la tech projette la mise en place de son métavers dans environ cinq ans.
Finalement, à quoi bon tout ce tapage nous direz-vous ? La réponse est comme bien souvent dans le nerf de la guerre. Aujourd’hui, la popularité des cryptomonnaies banalise l’usage des monnaies virtuelles et les aléas de leur cotation. Ainsi, les acteurs de la course au métavers se voient déjà vendre des biens et des services numériques dans leur monde parallèle. Comme dans le monde réelle, l’univers virtuel serait ainsi le siège de transactions et de bénéfices. Acheter les produits dans un métavers comme dans un magasin physique – la créativité visuelle sans limites en plus – permettrait à Facebook et autres Alibaba de fidéliser leurs usagers en proposant une expérience immersive unique. Le « Graal du e-commerce »? L’avenir nous le dira.