
L’Union européenne et les États-Unis vont engager cette semaine de difficiles négociations pour resserrer leurs liens en matière de réglementations technologiques et tenter de retrouver une confiance perdue dans leur partenariat après la crise franco-américaine.
Des discussions de haut niveau débuteront mercredi dans la ville américaine de Pittsburgh avec la première réunion du conseil UE-États-Unis sur le Commerce et la Technologie (TTC). Une autre session est prévue pour le printemps 2022. L’instance a été créée à l’occasion d’un sommet UE-USA en juin pour discuter des questions telles que l’harmonisation des stratégies en matière de réglementation de l’activité des grandes entreprises technologiques et la défense des valeurs démocratiques sur l’internet.
Le conseil a été créé à la demande des Européens qui cherchaient des signes concrets d’une coopération transatlantique accrue après des années de tensions sous la présidence de Donald Trump, notamment sur les questions commerciales.
Pacte de sécurité
L’annonce de la mise en oeuvre d’un pacte de sécurité entre les États-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne sans aucune consultation des Européens a toutefois mis en doute la volonté de coopération du président Joe Biden. Une crise a en outre éclaté avec la France à cause de l’annulation par l’Australie d’une commande de sous-marins au profit de submersibles américains.
Le dialogue a repris après un entretien entre Joe Biden et le président Emmanuel Macron, mais la défiance demeure. Paris n’est pas satisfait par le projet de déclaration commune préparé pour la réunion de Pittsburgh et « veut des modifications », a-t-on appris de source européenne.
Les discussions visent à renforcer la coopération « dans les domaines où deux grandes démocraties anciennes partagent les mêmes valeurs », a déclaré Margrethe Vestager. La vice-présidente de la Commission chargée du numérique et de la concurrence conduira la délégation européenne avec le vice-président Valdis Dombrovskis, responsable du commerce.
« On va parler technologies, microprocesseurs, plateformes numériques, intelligence artificielle, réglementations, chaines de valeurs », a commenté le représentant d’un pays européen à Bruxelles.
La capacité de production de semi-conducteurs en Europe pour réduire la dépendance vis-à-vis de l’Asie sera un des sujets difficiles. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen en a fait une « question de souveraineté ».
Souveraineté européenne
C’est la partie la plus contestée du projet de déclaration de Pittsburgh, a-t-on confié de source européenne. Elle suscite des tensions au sein même de la Commission et entre les Etats membres de l’UE. La Chine sera l’éléphant dans le magasin de porcelaine. La France et l’Allemagne hésitent à suivre aveuglément Washington dans sa confrontation avec Pékin.
« Les responsables européens veulent éviter que le TTC ne devienne simplement un exercice improductif de dénigrement de la Chine », ont déclaré l’ancienne patronne du commerce de l’UE, Cecilia Malmstrom, et l’analyste Chad Bowne dans un document destiné au Peterson Institute de Washington.
L’objectif de ces négociations n’est pas de conclure un accord commercial, mais de parvenir à des « avantages à long terme », a assuré Valdis Dombrovskis, évoquant une coopération potentielle sur l’interdiction des investissements étrangers indésirables et le règlement des problèmes dans les chaînes d’approvisionnement, comme dans le cas des micropuces.
Les discussions seront réparties en 10 groupes de travail. Margrethe Vestager a insisté sur la nécessité de trouver des valeurs communes pour limiter les excès de type Big Brother en matière d’intelligence artificielle. « Nous ne pensons pas que ces pratiques devraient avoir leur place dans une démocratie », a-t-elle affirmé.
« J’ai le sentiment que c’est quelque chose qui est vraiment partagé avec les Américains », a-t-elle ajouté.
Les droits de douane sur l’acier et l’aluminium imposés par Donald Trump et conservés par Joe Biden pèseront sur cette réunion.« Nous nous engageons très sérieusement avec les États-Unis et nous sommes également conscients du fait que cette question devrait être réglée d’ici au 1er décembre », a averti le vice-président Dombrovskis.